Les pirates, les trains, les conquêtes de civilisations, l'exploration spatiale... Sid Meier nous en a fait voir de toutes les couleurs depuis maintenant près d'une trentaine d'années, avec des jeux de stratégie et de gestion souvent très réussis. Alors quand un nouveau titre débarque, on s'installe confortablement et on bloque quelques nuits blanches sur son agenda.
On vous avait prévenu : à force de laisser couler l'eau pendant que vous vous brossez les dents, de laisser votre ordinateur allumé pendant que vous allez aux toilettes et de jeter vos trognons de pomme n'importe où, la terre est devenue invivable et il a fallu envisager d'aller s'étaler dans la voie lactée. C'est là qu'on s'est aperçu que le cosmos était déjà relativement saturé : dans Sid Meier's Starships et un peu à la manière d'un Civilization traditionnel, on devra jouer des coudes avec différentes peuplades pour parvenir à se faire une place au soleil.
Poussez-vous que j'my mette !
Ce qui est toujours agréable dans les titres de ce genre, c'est qu'il est possible d'obtenir la victoire de différentes façons : il est par exemple inutile de s'échiner à atomiser un ennemi si une faction, située à l'autre bout de l'univers, est en train de vous souffler la victoire en créant suffisamment de "Merveilles" pour remporter la partie. Domination militaire, démographique ou même technologique, font donc partie des différentes conditions de victoires possibles.
Au démarrage d'une partie et à l'instar du récent Civilization: Beyond Earth, il faut d'abord sélectionner une obédience idéologique (suprématie, pureté ou harmonie) et un commandant pour vous lancer dans l'aventure. Cela permet de démarrer avec divers bonus plus ou moins utiles en fonction de notre style de jeu, qui peuvent aller de la réparation bon marché de nos vaisseaux de guerre à l'octroi de bonifications économiques, toujours très utiles pour briller auprès des agences de notation interstellaires.
Action Man
Voilà pour les similitudes avec la série des Civilization, car c'est surtout l'aspect tactique des batailles au tour par tour qui constitue l'un des principaux piliers de Sid Meier's Starships. Une fois qu'on s'est déplacé sur le grand échiquier intergalactique et qu'on rencontre un ennemi, il faut diriger ses vaisseaux case par case sur une carte de bataille, où chaque déplacement coûte des points d'action. La carte de combat comporte tout un tas d'obstacles, des inévitables ceintures d'astéroïdes qui bloquent les lignes de vue, aux trous noirs qui permettent de se téléporter d'un endroit à l'autre pour prendre l'ennemi à revers (ou faire n'importe quoi et quitter un combat au moment crucial). Il faut bien entendu faire preuve d'un minimum de bon sens et choisir judicieusement l'arme la plus appropriée (je pointe au laser ou je tire à la roquette ?), décider d'enclencher la furtivité au moment opportun, ou lâcher dans la nature des petits intercepteurs qui iront harceler l'ennemi sans relâche.
Clé à molette
L'autre sport officiel dans Sid Meier's Starships, c'est l'amélioration constante de notre flottille, un peu à la manière de FTL : Faster Than Light. Efficacité accrue des boucliers, puissance des lasers ou moteurs plus véloces, les possibilités sont assez nombreuses. Là aussi, il faudra donc bien penser notre stratégie à l'avance pour adapter les améliorations à notre style de combat.
Au-delà des affrontements et de toute l'attention que vous porterez à vos vaisseaux, il faudra également se pencher sur le versant "gestion" du titre. Au fur et à mesure de notre exploration spatiale et de la découverte des différentes planètes, on étend peu à peu notre influence sur un secteur donné de la map, ce qui permet d'engranger des ressources (énergie, argent, métaux...), de construire des villes et de nouer des relations avec les autres fédérations présentes dans le secteur.
Malheureusement, toutes ces actions-là restent très pauvres d'un point de vue ludique : c'est souvent les mêmes images et les mêmes textes qui sont à peine adaptés et modifiés à la volée en fonction de l'interlocuteur. Pareil pour la construction des villes par exemple, circulez y'a rien à voir. Évidemment, cela n'enlève rien à la profondeur purement stratégique des mécaniques de jeu, mais c'est un peu décevant.
Un vide intergalactique
En général, on pardonne facilement à un jeu de stratégie ses lacunes graphiques ou son manque d'ambitions techniques, voire artistiques. Malgré tout, Total War ou X-COM ont déjà démontré qu'il était possible de proposer d'excellentes mécaniques stratégiques et tactiques tout en flattant nos jolies configs bien musclées. Mais au cas où vous auriez encore des doutes, je vous le dis, Sid Meier's Starships n'appartient clairement pas à cette dernière catégorie. Et contrairement à de nombreux jeux de stratégie visuellement simplistes, ici, la direction artistique m'a laissé de marbre. Le design des vaisseaux, les décors, le level design des maps et l'ambiance générale m'ont paru fades, peu inspirés, voire même rebutants. Les animations sont inexistantes, les musiques assez plates et ça n'aide clairement pas à plonger dans cet univers. Tenez, FTL, pour ne citer que lui, a su proposer un environnement complètement immersif en dépit d'un rendu technique limité à 3 pixels et demi. Corolaire évident de cette indigence visuelle, un mini-PC de salon pourra largement faire tourner tout ça.
Les points noirs de l'étoile
D'autres éléments viennent gâcher la fête : l'intelligence artificielle a des réactions parfois surprenantes. Qu'elle s'éloigne subitement d'un affrontement alors qu'elle a l'avantage, passe encore (je peux concevoir qu'elle ait besoin de souffler trente seconde, de prendre un café ou d'aller au petit coin). Mais qu'elle continue à bronzer près de l'étoile locale alors que je l'arrose de roquettes et de lasers à neutrons, je comprends moins. Alors ça n'arrive pas non plus toutes les trente secondes, soyons honnêtes. La plupart du temps, elle aura tendance à réagir correctement en s'attaquant au membre le plus faible de notre escadrille, ou en tentant de nous prendre à revers... mais quand ça arrive, ça fait tâche. Enfin, je déplore également un manque assez criant de diversité concernant les vaisseaux, dans les modèles d'unités ou encore certains décors qui reviennent trop souvent. Comme pour se faire pardonner ces lacunes, en revanche, un effort a été fourni de la part des développeurs pour nous offrir un minimum de variété dans les objectifs des missions : duels intergalactiques, chasse aux pirates de l'espace ou protection de convois stratégiques sont de la partie, et ça c'est plaisant. C'est d'ailleurs un peu le sentiment général qui se dégage d'une partie de Sid Meier's Starships : c'est parfois décevant, mais ça reste plaisant.